Eros et autres plaisirs

Depuis que Gauvin a tenu sa promesse et m'a rejointe pour quelques jours à Paris, je ne peux plus déglutir, ni dormir ; j'ai littéralement la gorge serrée, l'estomac noué, le cœur gros et les jambes en coton, comme si la fonction sexuelle avait accaparé toutes les autres. Et je suis atteinte aussi, expression dont j'éprouve la justesse, de feu au cul. Je vais me voir contrainte de circuler pendant trois jours avec ce tison brûlant au creux de moi, portant la marque au fer rouge de Gauvin, comme son anneau entre les jambes.
"Tu sais que j'ai le feu… où je pense" dis-je à Gauvin n'osant pas lui dire "cul" comme ça, si vite. Après tout, on ne se connaît pas beaucoup. "Tu as le feu où je pense" , réplique-t-il d'un air patelin, hésitant entre le plaisir de l'hommage rendu à sa virilité et l'étonnement devant ma franchise qu'il n'attendait pas chez une personne de mon éducation. (…)
Tandis que j'étale une crème apaisante sur la zone sinistrée je m'étonne que les auteurs érotiques ne semblent jamais tenir compte de cet accident du… plaisir. Les vagins de leurs héroïnes sont présentés comme d'inusables conduits capables de supporter indéfiniment l'intrusion d'un corps étranger. Quand au mien, c'est comme s'il avait été écorché vif.

Benoîte Groult

Jeu 11 jan 2007 Aucun commentaire